vendredi 13 mai 2016

Les cœurs autonomes - David Foenkinos

Hello ! Après cette longue période d'absence, après mes partiels et donc en ce début de vacances (sisi, soyez pas jaloux muahaha), je reviens avec la chronique de Les cœurs autonomes, de David Foenkinos.

« Le plan, c'était d'attacher les flics avec leurs propres menottes.

Mais ces deux-là n'ont pas de menottes.
Les menottes, c'est le cœur du drame.
Plus tard, elle dira que si les flics avaient eu des menottes, rien de tout ce qui va suivre ne serait arrivé.»




224 pages - Editions Grasset
15, 25 € - Commander


David Foenkinos est un auteur que j'ai découvert il y a deux ou trois ans avec La délicatesse, un livre qui m'a vraiment marquée et que j'avais adoré. J'ai donc décidé qu'il fallait que je lise davantage de livre de lui, histoire de renouveler le plaisir. 

Les cœurs autonomes est un roman qui se lit très vite, puisqu'il ne comporte que 170 pages. C'est un livre qui semble hors du temps de par la manière dont le récit est raconté, mais pourtant terriblement ancré dans une époque, celle de la jeunesse post mai 68, qui raisonne étrangement aux événements actuels (Nuit Debout, notamment). 

Ce roman est une libre adaptation d'une histoire de "deux jeunes amants meurtriers", comme l'indique la 4ème de couverture du livre. N'étant pas née (ou pas assez grande) à l'époque des faits, je ne connais pas les faits desquels sont tirés l'histoire, et j'avoue ne pas avoir eu la curiosité d'aller chercher plus avant.

Quand on lit ce livre, il est difficile de rentrer vraiment dans l'histoire, ou du moins de se sentir véritablement concerné, de se sentir comme l'un des personnages. En effet, premièrement, AUCUN nom n'est cité dans ce roman. On ne connait pas le nom du narrateur (qui parle à la première personne), ni celui des deux personnages principaux, et encore moins ceux des personnages secondaires. Même les gouvernants pourtant souvent mentionnés ne sont pas nommés, bien que l'on puisse, avec quelques connaissances, lire leur nom entre les lignes (notamment lors de la mention d'un ministre surnommé Ballamou). Cette absence de prénoms rend difficile le sentiment d'identification aux personnages, et pourtant ce n'est pas non plus véritablement dérangeant, car on peut tout de même rentrer dans l'histoire (contrairement à Côté Face de Anne Denier dans lequel l'absence d'identification des personnages a vraiment rendu ma lecture dérangeante). Disons que l'on se positionne davantage comme un observateur extérieur à qui l'on raconterait une histoire, un fait divers. 

Ce roman se compose de tranches de vies des personnages, et c'est quelque chose que j'aime beaucoup. D'autant plus que la plume de Foenkinos rend ces moments "volés" aux personnages très agréables, poétiques. C'est d'ailleurs ce que j'aime beaucoup chez cet auteur, et ce qui m'avait énormément marqué dans La délicatesse, cette poésie dans la description des choses. Néanmoins j'ai été un peu déçue car j'ai retrouvé moins de poésie que dans La délicatesse, un récit plus froid, moins prenant. 

Pour en venir à l'histoire, c'est l'histoire d'un jeune couple qui se marginalise de la société par sa volonté de remettre en question le capitalisme et ses conséquences. Le garçon est depuis longtemps engagé dans des manifestations contre le pouvoir et lorsqu'ils commencent à sortir ensemble, elle le suit, pour lui faire plaisir, pour se valoriser à ses yeux, pour se sentir admirée, aimée. La jeune fille a un véritable besoin de ne pas décevoir son compagnon, c'est l'idée générale de leur histoire, le fil conducteur. Ce couple ira si loin dans ses manifestations qu'il en viendra à commettre un crime.

Cette lecture a résonné d'une manière particulière parce que je viens de rendre mon rapport de recherches sur les violences conjugales. La jeune fille ici ne se fait certes par frapper par son compagnon, mais il y a clairement une emprise qu'exerce celui-ci. Il y a à mon sens une sorte de violence psychologique, de maltraitance car il lui fait des reproches, elle se sent sans cesse rabaissée, par assez bonne pour lui, mise à l'écart. Pour lui plaire, toujours ne pas le décevoir, elle fera tout, elle s'oubliera, elle vivra comme un automate, s'oubliant pour mieux être là pour lui. Elle deviendra passive, et pourtant cherchera à reprendre le contrôle, non pas de sa propre vie mais de son amour pour lui. Pour être certaine qu'il ne la lâchera pas, qu'il ne sera pas déçu, elle deviendra forte, prendra un rôle actif dans le délit qu'ils prévoient et qui dégénérera en crime, sans même réellement comprendre ce qu'elle fait et la conséquence de ses actes. C'est une histoire malsaine qui se noue entre eux. « Son amour est un meurtre, son amour est si peu amoureux, capable d'entraîner une femme dans son déséquilibre, dans la mort bientôt. », décrit Foenkinos. Je pense que cette phrase est celle qui résume le mieux l'histoire. Lui est déséquilibré, on le sent à la recherche d'un but à sa vie, d'une raison de vivre, et ce but il ne le trouve que dans la contestation de la société. Il doute de lui-même, n'est pas assuré, et rejette ce doute sur elle. Il prend le rôle macho de l'homme fort, pour oublier qu'il ne se sent pas du tout fort et exerce une emprise sur elle, peut-être inconsciemment, peut-être pour être certain qu'elle ne le quittera jamais et qu'il ne sera donc jamais confronté à son impuissance.

En résumé, c'est un roman agréable et rapide à lire, qui ne laisse pas un souvenir fort et impérissable (contrairement à La délicatesse) mais qui permet néanmoins de s'immiscer dans la vie préalable de ceux qui seront des criminels, pour mieux comprendre les préludes de certains actes. 




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